Importance
La tuberculose est une maladie infectieuse qui affecte l'Homme et de nombreuses espèces animales. Elle présente des éléments cliniques et lésionnels communs à toutes les espèces et peut être occasionnée par diverses espèces bactériennes appartenant au genre Mycobacterium.
La tuberculose des mammifères qui seule nous intéressera ici est occasionnée par des espèces appartenant à un complexe appelé MTBC (pour Mycobacterium tuberculosis complex), qui inclut notamment M. tuberculosis (l'agent de la « tuberculose humaine »), M. bovis et M. caprae.
Dans ce cours, nous nous intéresserons principalement à la tuberculose des bovins causée par Mycobacterium bovis, car c'est très majoritairement cette espèce qui cause la tuberculose bovine.
Cette restriction appelle plusieurs commentaires :
Il sera donc souvent question de M. bovis mais les bovins sont potentiellement sensibles aux autres mycobactéries du MTBC ;
M. bovis affecte d'autres mammifères mais ces aspects seront évoqués de façon plus marginale ;
Enfin, la tuberculose à M. bovis est une zoonose cliniquement majeure.
La tuberculose bovine est une maladie ubiquitaire. Dans de nombreuses parties du monde, elle sévit de façon enzootique, sauf dans de quelques rares pays qui sont parvenus à l'éliminer totalement de leur territoire.
L'infection est le plus souvent asymptomatique pendant un temps long, et la contagiosité restreinte. De ce fait la transmission de M. bovis est très insidieuse.
Une maladie difficile à contrôler
Sur le plan épidémiologique, la transmission est très insidieuse car :
L'infection est le plus souvent asymptomatique
Il peut y avoir une excrétion en l'absence de signes cliniques
La bactérie est très résistante dans le milieu extérieur
Outre les bovins, différentes espèces domestiques et sauvages peuvent servir de relais d'infection, voire de réservoirs
Sur le plan des moyens de lutte :
Les outils de dépistage et de diagnostic sont imparfaits (problèmes de spécificité liés à des réactions croisées avec d'autres mycobactéries et/ou manque de sensibilité)
Aucun vaccin à la fois suffisamment protecteur et n'interférant pas avec le dépistage n'est disponible sur le marché
Le traitement des animaux est interdit (cf. infra)
Sur le plan de l'acceptabilité par les acteurs :
Le fait que la lutte impose des mesures très contraignantes a induit une lassitude des acteurs, particulièrement des éleveurs dans les régions qui restent les plus atteintes.
Par ailleurs, la stratégie de lutte contre la tuberculose animale se doit d'être évolutive en fonction du contexte épidémiologique :
Dans les zones très infectées : par la combinaison du dépistage pour détecter les foyers, de mesures de police sanitaire pour assainir les foyers et de mesures de biosécurité pour limiter la diffusion de M. bovis
Dans les zones où la pression d'infection est faible : par une approche centrée sur la maîtrise des facteurs de risque pour préserver les élevages et/ou régions et/ou pays dont le statut est favorable
L'émergence de la tuberculose dans la faune sauvage en France et dans certains pays d'Europe constitue à ce titre un défi supplémentaire et impose notamment la mise en place de mesures de surveillance adaptées.
Fondamental :
La tuberculose bovine est donc complexe, et doit s'adapter à de multiples composantes, y compris au contexte d'infection multi-espèces et au contexte humain.
Impacts de la tuberculose animale
Sur le plan socio-économique
L'impact socio-économique de cette maladie est considérable pour un grand nombre d'acteurs, et ce, à différentes échelles, locales, régionales, nationales voire au-delà (espace Schengen).
Les raisons de l'impact de la tuberculose animale sur le plan socio-économique sont multiples :
Circulation à bas bruit d'un élevage à l'autre et d'un pays à l'autre par le biais des animaux asymptomatiques ce qui en fait une maladie difficile à contrôler devant mobiliser de nombreux acteurs
Impact sur les productions du fait des saisies à l'abattoir et des freins à la commercialisation du lait
Lourdeur et coût des mesures de dépistage et de lutte
Les principales conséquences incluent :
Un frein aux échanges pour les pays affectés à destination des pays indemnes, concernant les ruminants vivants et certains produits animaux. Ainsi, l'acquisition puis la conservation du statut de pays indemne constitue un enjeu majeur, car il permet des allégements des mesures sanitaires lors d'échanges intra-communautaires. La France déploie ainsi des efforts considérables afin de conserver ce statut, compte tenu du niveau d'infection des cheptels infectés actuellement très proche du seuil au-delà duquel ce statut risque d'être perdu (cf. infra)
Le coût très élevé de la surveillance et des mesures de lutte pour les pouvoirs publics, le plus souvent sur des décennies comme en France, compte tenu de la difficulté à se débarrasser de l'infection pour de multiples raisons impliquant des dépenses très élevées de la part des pouvoirs publics. Ainsi, en France, la surveillance et la lutte contre la tuberculose en 2010 et 2011 a été chiffrée à environ 20 millions d'euros dont environ 75 % en assainissement des foyers, du fait du coût de l'indemnisation des éleveurs pour l'abattage de animaux)
Les pertes économiques directes imputables aux pertes en viandes (saisies aux abattoirs), en lait (destruction du lait et/ou interdiction du commerce du lait cru et des produits laitiers à base de lait cru). En France, avant l'application des mesures de lutte, les pertes étaient estimées à 3 % de la production bovine (en 1955, soit environ 400 millions d'euros). La lutte est devenue économiquement rentable au bout de 20ans. En 1985, les montants consacrés à la lutte nationale contre la TBv ont été estimés à 34,4 millions d'Euros pour la seule année 1985, en France, alors qu'en 2009, alors que la prévalence apparente avait chuté à 0,04 %, la lutte a encore coûté 13,5 millions d'euros.
Un risque de perte de confiance de la part des consommateurs, susceptible d'avoir un impact sur la demande en produits alimentaires d'origine bovine. Ainsi, la médiatisation sans filtre auprès du grand public de l'information (exacte) d'une absence de saisie totale des carcasses de bovins tuberculeux a causé un émoi qui aurait pu occasionner une crise dans la filière et pourrait en causer encore.
Sur le plan zoonotique
La tuberculose à M. bovis est une zoonose cliniquement majeure qui est principalement diagnostiquée dans des zones où la tuberculose bovine est enzootique.
Dans des pays comme la France où la tuberculose bovine est très rare et où des mesures de biosécurité sont appliquées vis-à-vis des denrées les plus à risque (lait cru et produits à base de lait cru), l'impact en santé publique de cette maladie est extrêmement réduit.
Aspects réglementaires
Du fait de son impact socio-économique important ainsi que de son caractère zoonotique, les mycobactéries agents de tuberculose chez toutes les espèces de mammifères (complexe MTBC) sont classées comme dangers sanitaires de première catégorie (DS1) et la tuberculose est une maladie réglementée en France pour toutes les espèces de mammifères.
Il en résulte que :
Toute suspicion de tuberculose animale doit faire l'objet d'une déclaration obligatoire et immédiate auprès des services vétérinaires.
Toute suspicion et confirmation de tuberculose chez des ruminants domestiques conduisent à la mise en place de mesures de police sanitaire permettant l'élimination du foyer et l'investigation des élevages épidémiologiquement reliés.
La catégorisation de la tuberculose animale dans la nouvelle loi européenne de santé animale (LSA) témoigne de l'importance de cette maladie à l'échelle européenne avec toutefois une modulation selon les espèces concernées (voir tableau).
Espèces | Classe | Mesures principales |
---|---|---|
Bovidés | B, D, E | Lutte obligatoire en vue de son éradication de l'UE |
Artiodactyles autres que bovidés* | D, E | Mesures obligatoires aux échanges et entrée dans l'UE |
Autres mammifères terrestres* | E | Mesures de surveillance nécessaires au sein de l'UE |
* Mesures différentes (en comparaison aux bovidés) du fait d'une sensibilité moindre des autres espèces d'animaux de production, du rôle de réservoir majeur des bovidés et du statut particulier des animaux de compagnie.
A retenir
Fondamental :
La tuberculose est une maladie bactérienne qui affecte de nombreuses espèces animales mais, compte tenu de son impact économique majeur (et du rôle de réservoir des bovins vis-à-vis de cette bactérie zoonotique), le champ de ce cours concerne essentiellement la tuberculose des bovins, très majoritairement due à Mycobacterium bovis.
La tuberculose animale est classée danger sanitaire de 1ere catégorie chez tous les mammifères mais elle ne fait l'objet de mesures de police sanitaire que chez les ruminants.
La tuberculose bovine est une maladie très difficile à contrôler, car :
l'infection, très longtemps asymptomatique en règle générale, peut être accompagnée d'une excrétion, occasionnant une diffusion insidieuse dans l'élevage et à d'autres élevages ;
les mycobactéries sont très résistantes dans l'environnement ;
aucun traitement n'est autorisé et aucun vaccin répondant aux attentes n'est disponible.
Le dépistage de l'infection occupe une place majeure dans un tel contexte et la lutte se doit de s'adapter en fonction de l'évolution de la situation épidémiologique, la maîtrise des facteurs de risque prenant le pas sur les mesures de police sanitaire en cas d'évolution favorable comme en France.
L'émergence de la tuberculose à M. bovis dans la faune sauvage apporte un niveau supplémentaire de complexité au niveau de la lutte.